Les chasseurs des névés alpins

découvertes de l’étude
sur les bandes de glace des TNO

Exposition virtuelle complémentaire

Comment naviguer dans le présent site Web?

Voici comment naviguer dans l’exposition virtuelle :

Cliquez sur l’onglet en haut de l’écran pour accéder au plan du site.
Faites glisser les tableaux ou servez-vous des onglets qui apparaissent en haut et sur les côtés de l’écran pour afficher le tableau suivant ou précédent.
Cliquez sur les images pour les agrandir. Un bouton dans le coin supérieur droit vous permet de fermer l’image et de retourner au tableau.

Qu’est-ce qu’une bande de glace?

Les bandes de glace alpines sont formées de la neige qui tombe sur le côté nord des montagnes en hiver. Protégées du soleil, ces couches annuelles de neige ne fondent pas entièrement pendant l’été. Chaque année, une nouvelle couche de neige s’ajoute et, à mesure que la bande se développe, la neige se comprime en une couche de glace permanente. Les bandes de glace sont situées à des altitudes supérieures à 1 500 mètres. Elles varient en taille de quelques mètres à plus d’un kilomètre de long, et peuvent atteindre jusqu’à cinq mètres d’épaisseur. Certaines bandes de glace dans les monts Selwyn des Territoires du Nord-Ouest ont plus de 5 000 ans.

Pour les caribous, les bandes de glace constituent un habitat estival important. Les bandes de glace leur permettent de se rafraîchir et d’obtenir un répit des nuées d’insectes voraces lors des chaudes journées d’été. Au cours de l’été, les déjections de caribou s’accumulent à la surface de la bande de glace, et finissent par devenir prisonnières des couches de glace qui s’y ajoutent.

Pourquoi les étudier?

Il y a des milliers d’années, les chasseurs commencèrent à fréquenter les bandes de glace en été pour y chasser le caribou. Parfois, ils y perdaient des instruments de chasse. Prisonniers des glaces, même les artefacts les plus délicats sont conservés, y compris des flèches de bois, des attaches de babiche, ainsi que les plumes qui servaient d’empenne.

Les bandes de glace fondent rapidement à mesure que le climat mondial se réchauffe; cette fonte révèle des artefacts archéologiques et des spécimens organiques bien conservés. L’étude des artefacts des bandes de glace nous renseigne sur le mode de vie des gens qui habitaient les montagnes. Quant à eux, les échantillons organiques, comme les ossements et le fumier de caribou, sont une occasion en or d’étudier les changements de l’écologie du caribou des montagnes au cours des 5 000 dernières années.

La chasse au caribou
sur la bande de glace

Caribou des bois de la population des montagnes

Les caribous qui vivent dans les monts Selwyn et Mackenzie appartiennent à la harde Redstone du caribou des bois des montagnes, qui peut compter jusqu’à 5 000 et même 10 000 animaux. Ils passent les mois d’hiver dans les altitudes inférieures des chaînons frontaux des monts Mackenzie, où ils peuvent creuser dans la neige, peu profonde, pour trouver du lichen à manger.

Au printemps, les caribous entreprennent une transhumance de plus de 100 kilomètres, grimpant jusqu’à leur aire de mise bas, aux confins des TNO et du Yukon. Les bandes de glace alpine sont un élément important de leur habitat estival.

Caribou sur la bande de glace

Déplacements des caribous porteurs d'un collier émetteur.

Histoire de deux chasseurs

Deux chasseurs shúhtaot’ine quittèrent leur camp de Túoch’ee Tuwé (le lac O’Grady) tôt le matin. Ils traversèrent K’atieh (la plaine de saules) en direction de zhaayáfelah (la bande de glace). Ils savaient qu’à mesure que la journée se réchaufferait, les ɂepę́ (les caribous) se réuniraient sur la bande de glace pour se rafraîchir et échapper aux įnįįgu (les hypodermes).

Ni vus ni connus, les chasseurs grimpaient le versant sud de la montagne avant d’en escalader rapidement la crête. Ils courraient ensuite jusqu’à une trentaine de mètres de la harde, suffisamment près pour abattre leurs victimes, surprises, en leur lançant des fléchettes.

Les archéologues appellent la bande de glace dans cette représentation artistique KfTe-1. Elle est située aux confins des Territoires du Nord Ouest et du Yukon, dans les monts Selwyn, à une altitude de 1 950 m (6 400 pieds). La partie de chasse dépeinte a eu lieu il y a 2 461 ans.

Les Shúhtaot’ines (le peuple des montagnes)

Le Shúhtaot’ine, un peuple mieux connu comme celui qui utilise des canots de peaux d’orignal, vit et chasse dans la région alpine entre les monts Mackenzie et Selwyn depuis plus de 5 000 ans.

Aujourd’hui aux Territoires du Nord-Ouest, les Shúhtaot’ine vivent principalement dans la collectivité de Tulita. Dans le cadre de l’étude ténoise sur les bandes de glace, les aînés ont aidé à expliquer comment celles-ci étaient utilisées dans le passé. Cette information s’est avérée essentielle pour aider à trouver ces bandes de glace et pour aider à expliquer ce que nous avons trouvé sur elles.

La construction d’un emblème shúhtaot’ine, le canot en peau d’orignal, en 1968

Les aînés shúhtaot’ine Leon Andrew et John Hotti enseignent aux élèves

Les outils révélés par la fonte des glaces

Piège à spermophile

Les Shúhtaot’ine utilisent des pièges depuis des milliers d’années pour attraper une variété de proies, du lièvre à l’orignal. Les animaux plus imposants étaient piégés à l’aide d’un piège fabriqué à partir de plusieurs brins de babiche (peau brute) tressés en une corde solide. Les animaux de taille plus modeste, comme le lièvre et le spermophile, étaient capturés à l’aide de pièges fabriqués à partir de quelques brins de tendon ou de babiche. Les spermophiles constituaient une source importante de nourriture et leurs peaux étaient cousues pour fabriquer de belles capes. Les chasseurs les piégeaient en attendant les caribous.

Piège à spermophile

En 2009, un piège à spermophile de 1 000 ans a été trouvé sur l’une des bandes de glace. Le piège a été fabriqué à partir d’un cordon de babiche torsadée double attaché à une branche de saule. Les aînés montrèrent comment le piège à ressort était installé à proximité d’un terrier de spermophile.

Arc et flèche

L’arc et les flèches étaient une arme utilisée pour chasser le caribou sur les bandes de glace. Il y a plus de 400 ans, un chasseur y a brisé son arc lors d’une partie de chasse. L’arme a été trouvée en 14 pièces qui ont dû être rassemblées comme un casse-tête en trois dimensions.

L’illustration ci-dessous montre une flèche révélée lors de la fonte d’une bande de glace. Cette flèche est composée d’une tige de bouleau surmontée d’une pointe de pierre maintenue en place à l’aide de babiche enroulée. Trois plumes trouvées à proximité servaient d’empenne. Bien qu’elles n’aient pas pu être identifiées, les aînés Shúhtaot’ine racontent que des plumes d’aigles, de hiboux, de canards et d’oies étaient utilisées comme empenne. Comme l’arc, cette flèche a plus de 400 ans.

Couteau de pierre

Ce bel outil a été minutieusement taillé par un outilleur chevronné. Il est fabriqué de chaille gris bleue, une pierre semblable au silex. Remarquez comment l’outil est façonné de manière régulière, aux éclats dans le même angle. Malheureusement, aucune matière organique n’a été trouvée avec l’outil, qui ne peut donc pas faire l’objet d’une datation radiocarbone. Toutefois, des outils similaires débités de la même manière ont été trouvés dans les montagnes méridionales et leur âge a été évalué à environ 10 000 ans.

Étant donné sa forme et sa taille, il est probable qu’il s’agisse d’un couteau et qu’il ait pu être utilisé pour dépecer des caribous chassés sur les bandes de glace. Un chasseur avait tout intérêt à ne pas égarer un outil travaillé aussi finement.

Lancer des fléchettes

Un lance-fléchettes, taillé dans une branche d’amélanchier, a été trouvé avec un fragment de flèche fabriqué d’une branche de bouleau et d’une pointe de pierre. La pointe de pierre était brisée, mais les babiches étaient toujours enroulées autour de la base de la pointe, ce qui nous laisse présager que la fléchette a raté sa cible et que sa pointe s’est brisée sur les rochers environnants.

Pour une raison ou pour une autre, le chasseur n’a pas récupéré son outil de chasse. Peut-être a-t-il lancé une autre fléchette et, après avoir abattu sa proie, a-t-il oublié son premier lancer raté. La datation au radiocarbone indique que ces événements se sont produits il y a plus de 2 400 ans. La chasse à la fléchette est une technique très ancienne et a été utilisée par les sociétés de chasseurs-cueilleurs du monde entier.

Comment tenir et lancer une fléchette

Yamǫ̀zhah et la famille diabolique

La tradition orale Shúhtaot’ine raconte l’histoire d’un héros culturel important, Yamǫ̀zhah, connu à l’échelle du Nord pour avoir édicté les lois qui gouvernent encore les Dénés aujourd’hui.

Dans l’un de ces contes, Yamǫ̀zhah rencontre une famille diabolique qui souhaite le tuer. Elle le trompe en lui faisant croire que leur fille lui ferait une bonne épouse. Le père lui fait ensuite entreprendre une série d’aventures périlleuse pour recueillir les différents matériaux nécessaires pour fabriquer des flèches, notamment des branches d’amélanchier.

Toutefois, dans tous les lieux où son aventure l’emmène, Yamǫ̀zhah rencontre des monstres dangereux qu’il doit tuer pour remplir sa mission. C’est alors qu’il rentre muni de tout le matériel nécessaire pour fabriquer des flèches qu’il constate que les membres de la famille sont diaboliques. Il parvient à les tuer avant qu’ils ne puissent faire du mal à autrui.

C’est grâce à la tradition orale que nous savons que l’amélanchier était un matériau de choix pour la fabrication de lance-fléchettes et de flèches. C’est la première fois que des fouilles archéologiques permettent de trouver ce bois aux Territoires du Nord-Ouest.

La science sur
la glace

Ce que révèlent la glace et les excréments


Un grain de pollen d’armoise trouvé dans une strate de fumier vieille de 1700 ans. (photo : CPSPG)

Les strates de fumier de caribou dans les bandes de glace sont de grande valeur pour les scientifiques qui étudient les changements dans le régime alimentaire et les maladies du caribou. Les régimes climatiques et les formations végétales dans la région peuvent être étudiés sur de longues périodes. Des fragments de pollen et de plantes piégés dans les excréments de caribou nous disent de quoi les caribous se nourrissaient et quels types de plantes étaient présents dans la région au cours des 5000 dernières années. Des fragments d’insectes également piégés dans le fumier nous en révèlent aussi beaucoup sur l’état de l’environnement local d’autrefois. Finalement, l’ADN ancien extrait d’os de caribous trouvés près de bandes de glace nous aide à comprendre l’évolution des populations de caribous au fil du temps.

Ces études montrent que l'environnement a peu changé au cours des 5 000 dernières années, jusqu'à tout récemment. Au cours de cette période, la population de caribous Redstone est restée stable. À mesure que la planète continue de se réchauffer, à quels types de changements environnementaux pouvons-nous nous attendre?

Carottes de crotte

Si l’on découpait une tranche de bande de glace, on y apercevrait des strates d’excréments de caribou séparées par des strates de glace propre. Des radars à pénétration de sol et des prélèvements de carottes de glace nous permettent de découvrir les bandes de glace de l’intérieur. Les bandes de glace les plus importantes peuvent contenir jusqu’à huit strates d’excrément de caribous séparés par des strates de glace.

Nous utilisons une technique appelée datation au radiocarbone pour déterminer l’âge de chaque strate de déjection de caribou. Comme le montre la carotte ci-dessus, le fumier de caribou au bas du forage est le plus ancien. Les carottes de glace nous montrent que les caribous de montagne fréquentent les bandes de glace depuis plus de 5000 ans.

Le temps file...

Le récent changement climatique mondial est à l'origine de la fonte rapide des parties gelées de la Terre, appelées cryosphère. À mesure que la glace de mer fond, le niveau des océans augmente. Lorsque le pergélisol se met à fondre, les berges des rivières et les rives des lacs s’affaissent. En conséquence, les ressources archéologiques sont menacées. Les ressources patrimoniales des Territoires du Nord Ouest sont particulièrement vulnérables en raison de la longueur des côtes et des vastes zones de pergélisol. Les bandes de glace sont en train de fondre après avoir été relativement stables depuis 5000 ans. Les archéologues travaillent pour tenter de sauver les artefacts libérés des glaces, mais nous devons tous prendre des mesures pour ralentir ou arrêter le réchauffement climatique.

Une coupe transversale montre le lien entre l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans notre atmosphère et la fonte des bandes de glace.

Comment aiderez-vous à mettre fin au changement climatique?

Une bande de glace en 2009

La même bande de glace en 2010

Remerciements

Les chasseurs des névés alpins représente plus de cinq années de recherches menées par le Centre du patrimoine septentrional Prince de Galles en partenariat avec la bande dénée de Tulita et de nombreux scientifiques talentueux. Le financement a été fourni dans le cadre de l’engagement du Canada pour l’Année polaire internationale et se poursuit avec le soutien logistique de l’Étude du plateau continental polaire.

Pour le centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles
Textes et contenu de Tom Andrews et Glen MacKay
Illustrations de Rae Braden • Graphisme de Dot Van Vliet • Conception Web de Rajiv Rawat