Un glissement de terrain dû au dégel a permis de mettre à jour les restes de l’animal congelé, en dessous du cimetière de la collectivité. Le dégel avançant avec la belle saison, Shane ramasse petit à petit des fragments de l’animal. Il remise les ossements sur lesquels subsistent des tissus mous dans le congélateur de sa mère afin de les préserver.
Glen MacKay, archéologue à Yellowknife, et Grant Zazula, paléontologue à Whitehorse, se rendent sur place et déterminent que les restes congelés appartiennent à un bison des steppes, une espèce disparue depuis longtemps.
« Au début, je n’y croyais pas, avoue Grant Zazula. Nous avons découvert des milliers d’ossements de bisons des steppes au Yukon, mais c’est la première fois que nous découvrons des restes momifiés datant de la période glaciaire aux TNO. »
Les ossements ont ensuite été transportés au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles de Yellowknife, où ils sont actuellement conservés.
La datation au carbone a révélé que l’animal aurait vécu il y a 13 650 ans. Les restes de peau ont été envoyés à l’Institut canadien de conservation à Ottawa, aux fins de préservation. Un échantillon osseux a été envoyé à une équipe de scientifiques de l’université d’État de Pennsylvanie afin qu’ils procèdent à des analyses génétiques.
Espèce : | Bison priscus (signifie bison « ancien » ou « vénérable ») |
Nom vernaculaire : | Bison des steppes |
Localisation : | Tsiigehtchic, Territoires du Nord-Ouest (128 habitants) |
Date de la découverte : | Juillet 2007 |
Auteur de la découverte : | Shane Van Loon |
Âge : | 13 650 ans |
Profil génétique : | Population eurasienne (aujourd’hui disparue) |
Taille : | Équivalente à celle d’un bison des bois contemporain, avec une bosse et des cornes plus grandes. |
Les ossements et les tissus mous du fossile, exceptionnellement bien conservés, renferment une foule d’informations sur cette espèce disparue et son environnement. Les scientifiques peuvent définir à quelle date l’animal est mort en analysant ses os au moyen de la technique de datation au radiocarbone.
Les os et les poils découverts dans le pergélisol contiennent également de l’ADN, une composante biologique de la vie. Les séquences d’ADN de chaque espèce sont uniques et recèlent des renseignements codés sur la vie de l’animal.
Articulation de la patte arrière (métatarse droit et articulations du sabot)
Pendant plus de 2 000 000 d’années, le bison des steppes vit en Europe et en Asie. Il n’apparaît en Amérique du Nord qu’il y a 160 000 ans. Ces herbivores sociables occupent alors un tiers du globe terrestre et parcourent les steppes (plaines herbeuses) de ce vaste territoire en grand nombre.
Tout commence à changer pour le bison des steppes il y a 85 000 ans, alors que le climat de la Terre se refroidit et qu’arrive la dernière période glaciaire. D’immenses calottes glaciaires se forment et recouvrent la majeure partie du Canada et de l’Eurasie, séparant ainsi le bison des steppes en deux populations; l’une demeurant dans la partie inférieure de l’Amérique du Nord et la deuxième en Eurasie et en Béringie. Au fil du temps, les génotypes de ces deux populations évoluent différemment, comme le démontrent les analyses d’échantillons d’ADN anciens.
Il y a environ 13 000 ans, le climat de la Terre commence à se réchauffer et les calottes glaciaires à fondre. De nombreux animaux, habitués à des températures plus froides, n’arrivent pas à s’adapter et disparaissent rapidement. C’est le cas de l’espèce du bison des steppes d’Eurasie. Ses cousins d’Amérique du Nord survivent à cette période de grands bouleversements et l’espèce évolue jusqu’au bison que nous côtoyons aujourd’hui. Au cours des milliers d’années suivant le réchauffement, le territoire du bison des steppes s’étend dans l’ouest de l’Amérique du Nord.
Les archéologues du Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles ont transporté les restes du fossile congelé à l’Hôpital territorial Stanton où certaines parties ont été radiographiées par le personnel des plus coopératifs. Les scientifiques ont ainsi pu étudier l’intérieur des échantillons tout en les gardant congelés. Les archéologues cherchaient des traces de pointes de lances ou de tout autre signe de décès, mais il n’a vraisemblablement pas été causé par des chasseurs.
Vous pouvez voir dans la radiographie ci-dessus que les énormes cornes du bison des steppes sont constituées d’un cornillon recouvert d’une fine gaine de kératine, la même protéine qui forme vos ongles. Chaque année, une nouvelle couche de cette gaine de kératine se forme sur les cornes des bisons, à l’instar des anneaux de croissance d’un arbre.
Le bison des steppes et l’actuel bison des bois (Bison bison athabascae) sont de tailles similaires. De nos jours, le bison des bois est considéré comme le plus gros herbivore sauvage en Amérique du Nord. Un bison mâle adulte pèse généralement entre 800 et 900 kg; certains spécimens plus gros pouvant peser plus d’une tonne. Alors qu’un gros bison des bois mâle adulte peut mesurer jusqu’à deux mètres au garrot, le bison des steppes est encore plus imposant.
Mais c’est véritablement la taille de leurs cornes qui les différencie. L’envergure des cornes du bison des steppes de Tsiigehtchic dépasse un mètre, alors que celle d’un bison des bois mâle adulte est d’environ 50 cm. Quant aubison antiquus, un descendant du bison des steppes, ses cornes sont de taille plus modeste même si elles ne sont pas aussi petites que celles du bison contemporain.
Les peintures rupestres du paléolithique représentent des bisons des steppes qui semblent avoir deux bosses. La bosse de l’imposant cou musclé du bison des steppes se trouvait plus bas sur son dos, dissociée de sa crinière sombre. L’emplacement de sa bosse lui allouait suffisamment de force musculaire pour supporter ses imposantes cornes. Cela lui permettait également d’avoir un port de tête plus altier, et ainsi de voir approcher son prédateur, le lion d’Amérique du pléistocène, dans les plaines herbeuses.