Le changement climatique d’hier et d’aujourd’hui

Il y a 13 000 ans, le bison des steppes de Tsiigehtchic vit dans un environnement soumis à de profonds changements à cause du réchauffement climatique. Ce phénomène met un terme à une période glaciaire qui dure depuis plus de 85 000 ans.

Aujourd’hui, la Terre connaît à nouveau une période de réchauffement climatique. Le pergélisol et la glace souterraine – qui datent parfois de la dernière période glaciaire – fondent, ce qui entraîne une érosion catastrophique des milieux nordiques.

Ce bison des steppes a péri lors du premier réchauffement et a été découvert 13 650 ans plus tard, alors que nous assistons à un réchauffement planétaire rapide. Que peut nous apprendre ce bison des steppes sur l’environnement dans lequel il évoluait alors, et sur les 13 000 ans pendant lesquels il s’est fossilisé?

Il y a 20 000 ans, la superficie du Canada est presque entièrement recouverte d’épaisses calottes glaciaires. C’est ce que nous appelons les glaciers continentaux, reconnaissables à leur épaisse couche de glace, comme ceux du Groenland ou de l’Antarctique.

L’inlandsis laurentidien (la nappe glaciaire Laurentide) recouvre alors le Nord canadien, jusqu’au versant oriental des monts Richardson et Mackenzie, aux Territoires du Nord-Ouest.

Il est rare de découvrir des fossiles de bison des steppes ou d’autres mammifères datant de la période glaciaire aux Territoires du Nord-Ouest, étant donné que la majorité de la région était couverte de glace à cette époque.

Il y a environ 15 000 ans, le climat planétaire commence à se réchauffer et les glaciers fondent. Les glaciers reculent vers l’est à l’échelle du Nord canadien et de nouveaux habitats apparaissent pour les mammifères de la période glaciaire. Les mammouths laineux, les chevaux et les bisons des steppes migrent du Yukon vers la vallée du Mackenzie et pénètrent aux Territoires du Nord-Ouest.

Grâce à la découverte de Shane Van Loon dans ce glissement de terrain dû au dégel, nous pouvons observer ce fantastique spécimen de bison des steppes de Tsiigehtchic.

Beringia

Au cours de la dernière période glaciaire, l’eau de la planète a gelé en telle quantité dans les nappes glaciaires recouvrant l’Amérique du Nord et l’Eurasie que cela a provoqué une baisse du niveau de la mer. Les fonds marins du plateau continental de l’Asie orientale et de l’ouest de l’Amérique du Nord se sont retrouvés exposés, formant ainsi une importante voie de passage entre les deux continents, que l’on appelle Béringie. Il y a environ 15 000 ans, l’eau provenant de la fonte des glaces s’est écoulée dans la mer. Ainsi fut formé le détroit de Béring. Les contours des côtes se sont stabilisés il y a environ 6 000 ans.

La Béringie et ses eaux libres étaient alors un refuge pour les plantes et les animaux de la toundra qui pouvaient résister à ce climat de désert arctique battu par les vents. Le bison des steppes de Tsiigehtchic vivait alors à la limite de la bordure orientale de la Béringie. Cela nous indique que, même à proximité des nappes glaciaires, le biotope local permettait aux herbivores comme les bisons de s’alimenter. Des humains vivaient également en Béringie. Des traces de leur présence (chasse et autres activités) ont été trouvées sur des sites archéologiques en Sibérie, en Alaska et au Yukon.

Superficie maximale de la Béringie, il y a 20 000 ans.

La steppe à mammouths

Le bison des steppes vivait dans un écosystème qui n’existe plus dans le Nord aujourd’hui. Au lieu de la forêt boréale et de la toundra se trouvaient de vastes prairies, ou steppes, dans cette Béringie de la période glaciaire. Des mammouths laineux, des chameaux, des chevaux et des bisons peuplaient ces horizons. Le pergélisol a souvent permis de conserver leurs dépouilles, ce qui a conduit les scientifiques à considérer la Béringie comme un « musée génétique de la période glaciaire ».

La relation existant entre la végétation steppique et les grands mammifères de la période glaciaire ont amené les scientifiques à appeler ce biotope la « steppe à mammouths ». En Béringie, le climat était très sec et venteux, ce qui générait beaucoup de poussière en été, et créait des paysages alternant langues de terre et congères en hiver. Les arbres et les lacs étaient rares, mais la végétation était variée dans les prairies en été, avec notamment ses arbustes et ses fleurs sauvages de la toundra aux couleurs bariolées. Les trois grandes espèces les plus courantes étaient le bison, le cheval et le mammouth, tous des ruminants qui broutaient de l’herbe.

Illustration montrant la variété des espèces animales pendant la période glaciaire, créée par la National Geographic Society en 1972. Voyez-vous les chasseurs qui encerclent l’énorme paresseux marcheur?

Disparition

Le réchauffement climatique qui marque la fin de la période glaciaire entraîne une perturbation des écosystèmes mondiaux ainsi que la disparition de nombreux animaux de la steppe à mammouths.

Certains suggèrent que 70 % des animaux pesant plus de 40 kg ont disparu.

En Amérique du Nord, de nombreuses espèces disparaissent, notamment toutes les espèces proches du cheval, du chameau et du paresseux. Le mammouth laineux, le mastodonte, le lion d’Amérique et le castor géant rendent leur dernier soupir. Toutefois, des espèces comme le bison et le castor survivent en Amérique du Nord sous une forme de taille plus modeste.

Lorsque le climat se réchauffe à la fin de l’ère glaciaire, le sol devient plus humide et la steppe à mammouths est remplacée par la toundra arbustive et les forêts que nous connaissons. Les températures plus clémentes deviennent bien plus accueillantes pour des espèces qui sont aujourd’hui répandues, comme le caribou.

Ces dérèglements et ces disparitions génèrent de nouvelles possibilités pour d’autres animaux comme le cerf et l’orignal qui traversent pour la première fois l’isthme paléogéographique de Béring vers l’Amérique du Nord à cette époque. Quant aux hardes de caribous et de bœufs musqués, ils suivent le recul des glaciers de l’Arctique nord-américain vers le Groenland.

La fin de la période glaciaire s’accompagne de nombreux changements, comme la disparition des grands mammifères. Toutefois, certains de ces mammifères, comme le bison, survivent en s’adaptant à ces conditions changeantes. L’évolution de l’environnement créé de nouvelles possibilités pour d’autres espèces, comme l’orignal et l’homme, qui migrent en Amérique du Nord.

Qu’est-ce qu’un glissement dû au dégel

Les glissements du sol provoqués par le dégel du pergélisol altèrent les paysages du nord-ouest des TNO. Le terrain s’affaisse lorsqu’une étendue de pergélisol riche en glace dégèle sous un terrain en pente. Ces glissements de terrain modifient considérablement le contour du relief et des cours d’eau du plateau Peel.

Glissement dû au dégel sur la rivière Miner, près du lac Sitigi (TNO).

Les glissements de terrain actifs sont constitués d’un mur de rimaye de pergélisol riche en glace, d’une pente en aval où s’amassent les particules dégelées et d’une langue de matériaux détritiques qui se forme à mesure que les sédiments s’écoulent vers le bas de la pente. Les glissements dus au dégel se déplacent en été lorsque le pergélisol exposé du mur de rimaye dégèle.

Mur de rimaye d’un glissement dû au dégel sur le plateau Peel (TNO).

Qu’est-ce qu’un glissement dû au dégel

Les glissements importants sont très dangereux pour les routes, les voies de déplacement traditionnelles et l’aménagement du territoire. Ils sont susceptibles de mettre en péril la faune, certaines espèces pouvant se retrouver coincées dans les coulées de boue en aval du mur de rimaye. Au cours des dernières décennies, certains glissements de terrain du plateau Peel ont atteint une superficie dépassant les 30 hectares (l’équivalent de 37 terrains de football canadien). Un vaste glissement de terrain peut charrier plus d’un million de mètres cubes (soit 600 000 chargements de camionnette) de sédiments en aval qui s’écoulent dans des vallées fluviales, des lacs ou des zones côtières.

Si le climat devient plus chaud et humide, des affaissements de terrain plus importants et plus pérennes se formeront aux TNO. L’intensification de ces perturbations s’amplifiera avec le réchauffement climatique.

Concentration de glissements dus au dégel dans le nord-ouest des TNO.