L’arrivée des forces de l’ordre dans le Nord s’inscrit dans la dynamique colonialiste du Canada, qui souhaite étendre sa souveraineté sur le territoire et ses peuples.
Quand les gendarmes arrivent dans le Nord, au début des années 1890, ils n’ont pas les connaissances et les aptitudes nécessaires pour affronter le climat rigoureux de la région et ignorent tout des langues, des cultures et des modes de vie des Autochtones.
Le gendarme spécial Louis Cardinal (centre, en arrière) en compagnie des gendarmes et chef Julius des Teet’it Gwich’in (extrême droite), Fort McPherson, 1904.Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson/Archives provinciales du Manitoba – 363-R-34/3
Plusieurs seraient morts gelés, parce qu’ils ignoraient quel type de bois utiliser et quelles bottes porter. Ils ne savaient pas non plus déterminer d’où vient le vent, ni comment reconnaître les collines, les montagnes et les endroits où bivouaquer.
Winston Moses, fils de gendarme special John Moses, à propos de les GRC
Les gendarmes spéciaux Andrew Stewart et Alfred Kendi en compagnie de l’inspecteur Nordie Kirk et du gendarme Rolly Stewart, montagnes Richardson près d’Aklavik, 1946.
Archives des TNO/N-2005-001:0120
La préparation de poisson séché en prévision des patrouilles hivernales; Odillia Coyen avec gendarme spécial Andre Jerome (à droite), Arctic Red River [Tsiigehtchic], 1957.
Archives des TNO/N-1993-002:0046
La plupart des gendarmes spéciaux sont des Autochtones recrutés pour apprendre aux autres gendarmes à survivre dans le Nord. Les femmes et les familles de la région sont aussi d’un grand soutien dans cette tâche.
Les gendarmes spéciaux aident leurs collègues de la GRC à comprendre les cultures et traditions autochtones en faisant tomber les barrières sociales et en jetant un pont culturel entre le gouvernement et la population.
On leur doit l’établissement de relations positives entre la GRC et les différentes communautés.
Le gendarme spécial Otto Binder Jr. (au centre) en compagnie de l’inspecteur W.G. et d’un membre de la GRC non identifié, 1957. Archives des TNO/N-1990-005:0014
En 1874, après que la Police à cheval du Nord-Ouest est arrivée dans le Montana dans sa « Marche vers l’Ouest » pour arrêter les trafiquants de whisky américains, un gendarme spécial métis du nom de Jerry Potts a été embauché pour guider les forces policières au sud de l'Alberta. Il était également responsable du choix du site du premier fort de la PCN-O à Fort McLeod. Il est resté gendarme spécial pendant 22 ans.
À la fin des années 1890, le gouvernement canadien s’intéresse de près au secteur de l’exploitation de l’or au Yukon. Il recrutera à cette époque des gendarmes spéciaux pour épauler les patrouilles qui se déplacent en chiens de traîneau sur les longues distances du continent arctique, de Dawson (au Yukon) à York Factory (dans la baie d’Hudson).
Photo à l'arrière-plan : Détachement de l’île Baillie. Bibliothèque et Archives Canada / GRC / E003525183
Cette saison, nos patrouilles ont accueilli de nouveaux membres : on y a rattaché des Indiens pur-sang, dans le rôle d’éclaireurs. Jusqu’ici, ils nous rendent de fiers services : ils n’ont pas leur pareil pour suivre une piste, et sont capables de parcourir d’immenses distances en très peu de temps.
Rapport d’un commissaire, 1887
L’histoire de la patrouille perdue illustre à quel point il était crucial de connaître les conditions climatiques et les pistes dans les montagnes du territoire, et de savoir comment survivre à de longs voyages en milieu sauvage.
Après cet épisode tragique, on change les lois pour que les gendarmes n’aient plus le droit de patrouiller sans guides autochtones.
Photo à l'arrière-plan : Départ en patrouille de Dawson à Fort McPherson, 1910. Archives des TNO/G-1979-002-0001
Son arrière-grand-père était l’un des gendarmes spéciaux de la GRC recrutés pour guider la patrouille perdue à son départ de Fort McPherson. Le jour du départ, il ne put partir, et demanda donc au groupe d’attendre; mais les malheureux ne l’écoutèrent pas. D’après Norbert, [Louis] Cardinal connaissait les cols des montagnes sur le bout des doigts, et avec son aide, la patrouille ne se serait jamais perdue.
Top RCMP Honour Lost Patrolmen, Northern News Services, numéro du 25 juillet 2015
En décembre 1910, quatre gendarmes et quinze chiens quittent Fort McPherson pour effectuer leur patrouille hivernale annuelle. Le groupe est composé de l’inspecteur Fitzgerald et de trois agents, Richard Taylor, George Kinney et Sam Carter, un gendarme récemment retraité qui guide l’expédition. Carter n’est pas de la région, et il n’a fait le voyage que dans l’autre sens, de Dawson à Fort McPherson.
Pendant quelques jours, le gendarme spécial Esau George, de Fort McPherson, accompagne le groupe; il a été recruté en cours de route parce que les voyageurs ont manqué un embranchement sur la piste. L’inspecteur Fitzgerald le congédie à mi-chemin, au ruisseau Mountain, en pensant qu’il ne leur sera plus utile pour la suite du voyage.
Six semaines plus tard, Esau George arrive à Dawson et apprend avec surprise que la patrouille n’est pas encore arrivée. Des recherches sont alors lancées, sous la direction du caporal W. J. D. (Jack) Dempster et guidées par le gendarme spécial Charlie Stewart. Dempster et Stewart finissent par retrouver les corps gelés des quatre disparus, à vingt miles de Fort McPherson.
L’enquête conclura que ce quadruple décès aura eu pour cause une quantité insuffisante de vivres, l’absence d’un bon guide et le fait que les recherches aient été lancées tardivement.
Photo à l'arrière-plan : La dernière page du journal de l’inspecteur F.J. Fitzgerald, 1911.Archives des TNO/GRC/G-1979-002:0004
Archives des TNO/N-1992-171:0030
Famille de Sarah Simon
Le trappeur fou de la rivière Rat fait l’objet d’une chasse à l’homme dont l’histoire fera le tour du monde. Si beaucoup de gens savent à peu près ce qui s’est passé, peu sont au courant du rôle central qu’ont joué les gendarmes spéciaux et le peuple gwich’in. On n’a jamais su qui était réellement le trappeur fou, mais beaucoup pensent qu’il s’agit d’un certain Albert Johnson.
Photo à l'arrière-plan : Une équipe de recherche se réunit à Aklavik pour la chasse au trappeur fou, 1932. Glenbow Archives/NA-1258-115
Il fallait prévoir beaucoup de vivres [pour tous les hommes qui prenaient part à la chasse] et de nourriture pour les chiens. Tout a été fait par avion. Les appareils se posaient chez nous, car nous étions près d’une grosse rivière. Quand l’un d’eux atterrissait, je hissais toute la cargaison sur la rive et la gardait de côté jusqu’à ce que les gendarmes reviennent pour poursuivre la traque d’Albert Johnson.
Sarah Peters, aînée gwich’in (Archives de la CBC, 1973, L27-11)
Diocèse catholique romain de Yellowknife/093-244-2
CPSPG 2010.012.082
Le St-Roch était un navire utilisé par la GRC dans le Nord pendant les années 1930 et 1940. Il passa à la postérité en devenant le premier bateau à avoir traversé le passage du Nord-Ouest d’ouest en est en 1942, le premier à faire un voyage de retour dans la direction est-ouest en 1944, et le premier à faire le tour de l'Amérique du Nord en 1950.
Photo à l'arrière-plan : Navire de GRC « St-Roch » sur l’océan Arctic en août. Archives des TNO/N-1992-213: 0070
Pour ce périple d’été, le capitaine Henry Larsen recruta Joe Panipakuttuk, un guide et chasseur inuit, qui embarqua accompagné de six membres de sa famille et de dix-sept chiens. La mère de Joe, qui avait aussi été embauchée sur le bateau, comme couturière et guide, refusait de partir sans sa petite-fille de six ans, Mary.
La famille fut laissée sur l’île Herschel pour qu’elle puisse faire le trajet du retour jusqu’à Pond Inlet, un voyage long de deux ans.
La famille Panipakuttuk durant le trajet du St-Roch, 1944.Musée maritime de Vancouver
J’ai détesté ce voyage. J’étais très jeune, et j’avais tout le temps peur, alors qu’autour de moi personne ne semblait s’en faire. Camper sur le pont était un cauchemar. L’eau entrait directement dans la tente, ça m’angoissait.
Mary Panipakuttuk était l’une des trois jeunes filles voyageant à bord du St-Roch.The Dauntless St. Roch, Paul Delgado (2003)
Photo à l'arrière-plan : Le St-Roch au Musée maritime de Vancouver (Napa/Wikimedia)